Loin de sombrer dans l'industrie de la crisophilie ambiante, l'année 2014 sera celle de tous les défis et également de tous les dangers. Une lecture avertie des fondamentaux de l'économie tunisienne, et notamment des principaux indicateurs des finances publiques, suscite vives inquiétudes et immense scepticisme quant à la capacité réelle de redressement de l'économie nationale en 2014, voire même en 2015.
Le danger terroriste qui guette désormais le pays augmenterait progressivement le coût du terrorisme du fait de la poursuite de la léthargie de l'investissement privé dans toutes les régions et de la montée attendue des dépenses de sécurité aux dépens des dépenses sociales et d'investissements publics structurants.
Tous ces facteurs combinés rendent un redressement de l'économie nationale peu vraisemblable pour les deux années qui viennent.
Au regard des spécificités de la situation actuelle, il est possible d'identifier quatre défis majeurs qui sont censés guider l'action gouvernementale à dessein de paver le chemin du redressement de l'économie nationale.
Le rétablissement institutionnel de l'administration devrait accaparer une grande attention de la part du gouvernement actuel. Il va sans dire qu'une administration performante joue, surtout au cours de périodes de flottement et de flou politique, un rôle de garant institutionnel pour les partenaires étrangers comme pour les investisseurs nationaux, et de fer de lance de toute stratégie de sauvetage et de relance de l'économie.
L'administration tunisienne qui a joué un rôle de premier plan au cours de la phase d'édification de l'économie, a été progressivement "désinstitutionnalisée", voire vidée de ses ressources humaines les plus valables. Cette tendance a atteint son paroxysme au cours des deux dernières décennies. Le marasme qui s'est installé au sein de l'administration au début des années 2000 se nourrissait des pesanteurs bureaucratiques assises sur un système politique déchéant et d'une aversion à tout changement.
Malheureusement, ce processus vicieux de paupérisation institutionnelle de l'administration a retrouvé des forces après le 14 janvier 2011 et s'est trouvé soutenu par les recrutements massifs dans l'administration, loin de répondre aux exigences de la performance et de la compétence et, plus grave encore, par des salves destructrices de nominations partisanes.
Productivité et efficacité, des mots creux pour la classe politique actuelle et derniers de leurs soucis! L'administration tunisienne est de facto dans une situation périlleuse, inéluctablement tirée par le bas et s'est trouvée tragiquement au centre de feux croisés entre les nouveaux apparatchiks de la troïka, les militants des syndicats de base, les corps de professions, etc.
C'est dire la responsabilité qu'incombe au gouvernement actuel d'assainir le climat social au sein de l'administration tunisienne, d'enclencher une spirale vertueuse de productivité et d'efficacité et de réviser dans les plus brefs délais les nominations partisanes.
Il convient de signaler que la période de transition actuelle a été marquée jusqu'à l'heure par une poussée inquiétante de l'économie informelle, corollaire d'un affaiblissement de l'Etat et de l'ébranlement de son autorité.
L'un des périls que la Tunisie pourrait encourir consiste le processus d'informalisation de l'économie fasse dans une certaine mesure le lit du terrorisme. D'ailleurs, certains gouvernorats frontaliers se sont enlisés fatalement dans les cercles vicieux de l'informalité, de la contrebande, de l'économie souterraine et du terrorisme: s'agit-il d'une simple coïncidence ou d'une stratégie d'implantation durable des réseaux terroristes?
Deux références fondamentales dans la littérature du salafisme jihadiste: The management of savagery (2007) de Abu Bakr Naji et Le monde au bord du chaos (2011) de Abou Abdullah Khaled Al'adam, prouvent de l'existence d'une stratégie d'affaiblissement et d'épuisement des économies des pays du printemps arabes.
Différentes donnes économiques et sécuritaires appellent des réponses rapides de la part du gouvernement à travers la mise en œuvre d'une stratégie intégrée visant la restauration de l'autorité de l'Etat et son redéploiement dans certaines régions et zones de non-droit.
A défaut d'attractivité des gouvernorats les moins nantis en infrastructures et l'impuissance des politiques de localisation et d'incitation à orienter le capital productif vers ces contrées, le gouvernement doit arrêter de miser sur les microentreprises pour atténuer les pressions sur les marchés de travail locaux. Tous les efforts fournis par les structures d'appui au niveau des régions et les fonds consommés sous forme d'avantages accordés aux promoteurs ou de crédits octroyés par les institutions de financement (BTS, BFPME...) se sont révélés absolument inopérantes dans les gouvernorats à faibles tradition industrielle et densité économique.
La Tunisie a un rendez vous avec l'histoire et il est légitime d'opter pour des solutions exceptionnelles que d'aucuns considèrent comme étant révolues ou non conventionnelles. Seul un redéploiement de l'Etat dans les secteurs productifs au sein de certains gouvernorats défavorisés (Le Kef, Siliana, Sidi Bouzid, Kasserine, Tataouine, Gafsa, Tozeur et Kébili) pourrait en effet jeter les bases d'un développement économique inclusif et doter ces différents territoires en industries structurantes et en capacités de développement autonome qui font toujours terriblement défaut.
La réinvention de la politique des Pôles Industriels moyennant des partenariats public-privé, couplée à une nouvelle démarche de territorialisation des politiques structurelles, serait susceptible d'imprimer un nouvel élan à une structuration nouvelle des tissus productifs locaux en vue de résoudre progressivement les problématiques du chômage, le surdimensionnement du secteur informel dans certains territoires et le déséquilibre régional.
La norme salariale qui a tant soutenu l'insertion internationale de la Tunisie et le modèle d'accumulation mis en place depuis les années 70 commence à s'effriter comme peau de chagrin sous l'effet de la multiplication des luttes syndicales qui se sont déchaînées après le 14 janvier 2011 et de la spirale inflation-salaire.
Cette donne nouvelle a précipité l'apparition de la symptomatique d'épuisement du modèle de développement actuel qui a été taillé, fallait-il le rappeler, sur mesure pour les Etats totalitaires ou les libertés publiques et syndicales sont confisquées ou hermétiquement quadrillées par les autorités. Ainsi, cette désarticulation du rapport salarial de son support de légitimation économique, qui consiste à maintenir les coûts salariaux à des niveaux faibles pour ne pas éroder les avantages comparatifs traditionnels de la Tunisie, a mis sur la sellette le concept de "trappe des pays à revenu intermédiaire".
Effectivement, les industriels tunisiens exportent des produits bon marché à faible contenu technologique et font face depuis trois années en même temps à des coûts salariaux qui augmentent à vue d'œil. N'eût été les bouffées d'oxygène que ramena la dégringolade du dinar tunisien au navire chavirant des industries textiles, de l'habillement et des IME, le sort de ces secteurs aurait été autre.
Mais cette solution, aucunement viable, ne fait qu'étaler dans le temps les difficultés d'un navire qui a d'ores et déjà pris de l'eau, en l'absence d'un redressement de l'appareil productif tunisien dans le cadre d'une stratégie globale de remontée des filières et de dynamique des avantages comparatifs.
Or, c'est dans le seul cadre de l'élaboration d'une nouvelle vision pour l'économie tunisienne qu'il faudrait envisager aussi la réforme des instruments qui ont été mis en place pour maîtriser l'évolution des coûts salariaux à la base des avantages comparatifs détenus par les secteurs exportateurs. Il s'agit des transferts sociaux et particulièrement des dépenses de la caisse générale de compensation (CGC), qui a été créée initialement au début des années 70 comme instrument d'intervention conjoncturelle pour stabiliser les prix des produits de base, ce qui a permis des décennies durant (1970-2010) de maîtriser tant soit peu l'évolution des coûts salariaux et de pouvoir doper les secteurs exportateurs.
Ce dilemme ne pourrait être résolu que dans le cadre d'actions cohérentes et globales qui visent l'émergence forcée d'un mode d'accumulation assis sur de nouveaux modes de régulations et des avantages comparatifs détenus en des produits à fort contenu technologique et en innovation.
A ce dessein, le gouvernement est appelé à décoder et bien gérer les prochaines contractions de l'économie, afin que la naissance du nouveau mode d'accumulation soit la moins douloureuse possible.
Le danger terroriste qui guette désormais le pays augmenterait progressivement le coût du terrorisme du fait de la poursuite de la léthargie de l'investissement privé dans toutes les régions et de la montée attendue des dépenses de sécurité aux dépens des dépenses sociales et d'investissements publics structurants.
Tous ces facteurs combinés rendent un redressement de l'économie nationale peu vraisemblable pour les deux années qui viennent.
Au regard des spécificités de la situation actuelle, il est possible d'identifier quatre défis majeurs qui sont censés guider l'action gouvernementale à dessein de paver le chemin du redressement de l'économie nationale.
Défi 1: Vers un rétablissement institutionnel de l'appareil administratif
Le rétablissement institutionnel de l'administration devrait accaparer une grande attention de la part du gouvernement actuel. Il va sans dire qu'une administration performante joue, surtout au cours de périodes de flottement et de flou politique, un rôle de garant institutionnel pour les partenaires étrangers comme pour les investisseurs nationaux, et de fer de lance de toute stratégie de sauvetage et de relance de l'économie.
L'administration tunisienne qui a joué un rôle de premier plan au cours de la phase d'édification de l'économie, a été progressivement "désinstitutionnalisée", voire vidée de ses ressources humaines les plus valables. Cette tendance a atteint son paroxysme au cours des deux dernières décennies. Le marasme qui s'est installé au sein de l'administration au début des années 2000 se nourrissait des pesanteurs bureaucratiques assises sur un système politique déchéant et d'une aversion à tout changement.
Malheureusement, ce processus vicieux de paupérisation institutionnelle de l'administration a retrouvé des forces après le 14 janvier 2011 et s'est trouvé soutenu par les recrutements massifs dans l'administration, loin de répondre aux exigences de la performance et de la compétence et, plus grave encore, par des salves destructrices de nominations partisanes.
Productivité et efficacité, des mots creux pour la classe politique actuelle et derniers de leurs soucis! L'administration tunisienne est de facto dans une situation périlleuse, inéluctablement tirée par le bas et s'est trouvée tragiquement au centre de feux croisés entre les nouveaux apparatchiks de la troïka, les militants des syndicats de base, les corps de professions, etc.
C'est dire la responsabilité qu'incombe au gouvernement actuel d'assainir le climat social au sein de l'administration tunisienne, d'enclencher une spirale vertueuse de productivité et d'efficacité et de réviser dans les plus brefs délais les nominations partisanes.
Défi 2: Contrecarrer la tendance inquiétante à l'informalisation de l'économie et assécher le financement du terrorisme
Il convient de signaler que la période de transition actuelle a été marquée jusqu'à l'heure par une poussée inquiétante de l'économie informelle, corollaire d'un affaiblissement de l'Etat et de l'ébranlement de son autorité.
L'un des périls que la Tunisie pourrait encourir consiste le processus d'informalisation de l'économie fasse dans une certaine mesure le lit du terrorisme. D'ailleurs, certains gouvernorats frontaliers se sont enlisés fatalement dans les cercles vicieux de l'informalité, de la contrebande, de l'économie souterraine et du terrorisme: s'agit-il d'une simple coïncidence ou d'une stratégie d'implantation durable des réseaux terroristes?
Deux références fondamentales dans la littérature du salafisme jihadiste: The management of savagery (2007) de Abu Bakr Naji et Le monde au bord du chaos (2011) de Abou Abdullah Khaled Al'adam, prouvent de l'existence d'une stratégie d'affaiblissement et d'épuisement des économies des pays du printemps arabes.
Différentes donnes économiques et sécuritaires appellent des réponses rapides de la part du gouvernement à travers la mise en œuvre d'une stratégie intégrée visant la restauration de l'autorité de l'Etat et son redéploiement dans certaines régions et zones de non-droit.
Défi 3: Identifier de nouvelles orientations pour l'émergence industrielle des gouvernorats les moins nantis en tissus productifs locaux
A défaut d'attractivité des gouvernorats les moins nantis en infrastructures et l'impuissance des politiques de localisation et d'incitation à orienter le capital productif vers ces contrées, le gouvernement doit arrêter de miser sur les microentreprises pour atténuer les pressions sur les marchés de travail locaux. Tous les efforts fournis par les structures d'appui au niveau des régions et les fonds consommés sous forme d'avantages accordés aux promoteurs ou de crédits octroyés par les institutions de financement (BTS, BFPME...) se sont révélés absolument inopérantes dans les gouvernorats à faibles tradition industrielle et densité économique.
La Tunisie a un rendez vous avec l'histoire et il est légitime d'opter pour des solutions exceptionnelles que d'aucuns considèrent comme étant révolues ou non conventionnelles. Seul un redéploiement de l'Etat dans les secteurs productifs au sein de certains gouvernorats défavorisés (Le Kef, Siliana, Sidi Bouzid, Kasserine, Tataouine, Gafsa, Tozeur et Kébili) pourrait en effet jeter les bases d'un développement économique inclusif et doter ces différents territoires en industries structurantes et en capacités de développement autonome qui font toujours terriblement défaut.
La réinvention de la politique des Pôles Industriels moyennant des partenariats public-privé, couplée à une nouvelle démarche de territorialisation des politiques structurelles, serait susceptible d'imprimer un nouvel élan à une structuration nouvelle des tissus productifs locaux en vue de résoudre progressivement les problématiques du chômage, le surdimensionnement du secteur informel dans certains territoires et le déséquilibre régional.
Défi 4: Echapper progressivement à la trappe des pays à revenu intermédiaire
La norme salariale qui a tant soutenu l'insertion internationale de la Tunisie et le modèle d'accumulation mis en place depuis les années 70 commence à s'effriter comme peau de chagrin sous l'effet de la multiplication des luttes syndicales qui se sont déchaînées après le 14 janvier 2011 et de la spirale inflation-salaire.
Cette donne nouvelle a précipité l'apparition de la symptomatique d'épuisement du modèle de développement actuel qui a été taillé, fallait-il le rappeler, sur mesure pour les Etats totalitaires ou les libertés publiques et syndicales sont confisquées ou hermétiquement quadrillées par les autorités. Ainsi, cette désarticulation du rapport salarial de son support de légitimation économique, qui consiste à maintenir les coûts salariaux à des niveaux faibles pour ne pas éroder les avantages comparatifs traditionnels de la Tunisie, a mis sur la sellette le concept de "trappe des pays à revenu intermédiaire".
Effectivement, les industriels tunisiens exportent des produits bon marché à faible contenu technologique et font face depuis trois années en même temps à des coûts salariaux qui augmentent à vue d'œil. N'eût été les bouffées d'oxygène que ramena la dégringolade du dinar tunisien au navire chavirant des industries textiles, de l'habillement et des IME, le sort de ces secteurs aurait été autre.
Mais cette solution, aucunement viable, ne fait qu'étaler dans le temps les difficultés d'un navire qui a d'ores et déjà pris de l'eau, en l'absence d'un redressement de l'appareil productif tunisien dans le cadre d'une stratégie globale de remontée des filières et de dynamique des avantages comparatifs.
Or, c'est dans le seul cadre de l'élaboration d'une nouvelle vision pour l'économie tunisienne qu'il faudrait envisager aussi la réforme des instruments qui ont été mis en place pour maîtriser l'évolution des coûts salariaux à la base des avantages comparatifs détenus par les secteurs exportateurs. Il s'agit des transferts sociaux et particulièrement des dépenses de la caisse générale de compensation (CGC), qui a été créée initialement au début des années 70 comme instrument d'intervention conjoncturelle pour stabiliser les prix des produits de base, ce qui a permis des décennies durant (1970-2010) de maîtriser tant soit peu l'évolution des coûts salariaux et de pouvoir doper les secteurs exportateurs.
Ce dilemme ne pourrait être résolu que dans le cadre d'actions cohérentes et globales qui visent l'émergence forcée d'un mode d'accumulation assis sur de nouveaux modes de régulations et des avantages comparatifs détenus en des produits à fort contenu technologique et en innovation.
A ce dessein, le gouvernement est appelé à décoder et bien gérer les prochaines contractions de l'économie, afin que la naissance du nouveau mode d'accumulation soit la moins douloureuse possible.
Une version plus longue de cette contribution a également été publiée dans la version imprimée de L'Economiste Maghrébin.
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