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L'A-mer patrie: Périr pour exister

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Si les oiseaux avaient besoin d'un visa pour leurs migrations, qui autoriserait le chant, bannirait l'hiver ou sélectionnerait le printemps?

Depuis le migrant coincé sur la barrière de Mellila au Maroc en avril dernier et le naufrage de l'embarcation d'immigrants clandestins au large de la Libye, les nombreux exodes ne cessent d'être refoulés, profanant l'unique bagage des voyageurs damnés: leur dignité.

Candidement, l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 postule que chacun a le droit de "circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat" mais aussi le droit "à quitter tout pays, y compris le sien et à revenir dans son pays".

En revenant sur le mythe de la liberté de circulation, on constate amèrement que l'abolissement des frontières est autant un vœu mystique qu'une illusion bien entretenue. Cette illusion demeure alimentée par un marché commun, une sorte de balise trompe l'œil délimitant des espaces de libre circulation, un confinement à la limite du sectaire qui plaide paradoxalement une globalisation du monde en traçant des frontières des plus infranchissables.

Aujourd'hui, plus que jamais, l'accès aux droits garanti par la Déclaration universelle des droits de l'Homme relève d'une finalité utopique et les atteintes aux droits les plus fondamentaux et aux légitimités les plus basiques se fait ainsi monnaie courante. Les politiques paranoïaques se heurtent, de la sorte, à une menace perpétuelle, qui est celle des flux migratoires. Le seul mot d'ordre serait de neutraliser et refouler les courants migratoires plutôt que de les enfanter. La notion de la dite souveraineté nationale est justement l'argument de trop pour justifier qu'aucune nation n'aime à considérer ses "malheurs" comme ses enfants légitimes. Résultat: 14.000 morts ont été répertoriés aux frontières maritimes de l'Union Européenne dans les 20 dernières années.

En effet, un arrière goût amer de l'emprise d'une dictature rappelle aux jeunes l'autorité du père, la loi de l'interdit et la criminalisation de tout affranchissement. De ce fait, les causes qui sont à l'origine de ce déferlement vers l'abîme du néant sont multiples pour ceux dont les rêves se racolent aux frontières européennes. De surcroit, le relâchement de la surveillance de la garde nationale et de la police sur les côtes ont facilité le flux migratoire et attisé cette convoitise à quitter le pays dans une quête du rêve quasi interdit.

D'un autre coté, le marasme social à l'origine du climat politique instable réactive chez les jeunes les frustrations d'une société de marginalisation et d'exclusion. La fuite s'annonce alors comme un ultime remède à l'accumulation de tentations impossibles à réaliser dans l'immédiat. Ainsi, opter délibérément pour une traversée en mer représente pour les Harragas une tentative d'aller vers un incertain qui reste méconnue mieux que de subir l'incertain accoutumé dans son pays. Le désespoir est certainement le premier générateur d'un passage à l'acte à équivalent suicidaire qui est celui de "brûler" les frontières. Ce qui est frappant, c'est que cette envie de cesser de souffrir surpasse le désir de vivre et refoule l'instinct de conservation.

Cela va de soi qu'un vécu de carence chez un sujet en proie à l'humiliation de la vie et à l'atteinte à sa dignité serait un tremplin pour un projet migratoire aussi "illégal" qu'il soit mais libérateur. Un des mécanismes de défense a proprement dit se manifeste par la résilience qui s'inscrit aussi dans une stratégie identitaire face à l'absence de support institutionnel et contenant social. La volonté de partir est aussi pour certains une quête de reconnaissance, une sorte de rehaussement de l'estime de soi que le chômage ne permet pas. La réalisation de soi est sans doute une finalité parmi d'autre mais cela n'est que la partie visible de l'iceberg.

Celui qui "brûle" les frontières ne serait-il pas en train de brûler son identité? Une identité qui serait aussi fragile que les embarcations au large de la Méditerranée.

Certains sociologues et autres spécialistes cataloguent cet appel au secours d'acte délinquant ou suicidaire. Pour ma part, s'embarquer dans une traversée interdite est justement un acte totalement décriminalisé car en absence de châtiment, le pêché n'aura point moyen ni raison d'exister. Tout est relatif, en absences de ressources, de noyaux de réinsertion sociale et de sensibilisation dans les régions.

On ne fera jamais assez le tour sur la question de ladite "immigration clandestine" tant que tous les facteurs socio-économiques et psychologiques s'enterrent sous la bannière du sujet tabou, du sujet qui fâche, offusquant surtout pour la "sacro-sainte" Union Européenne et ses politiques pseudo-globalisantes. Entre temps, des âmes rêvent d'une vie meilleure, des âmes se meurent pour éteindre le feu en eux par une traversée de milles rêves, une traversée des périls sans fin.

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