Nicholas Burns est professeur de pratique diplomatique et de politique internationale à la Kennedy School of Government de Harvard. Il était adjoint spécial et directeur principal des affaires russes, ukrainiennes et eurasiennes au sein du National Security Council sous le président Clinton et sous-secrétaire d'État des questions politiques pendant l'administration de George W. Bush. L'article qui suit a d'abord été publié dans le Boston Globe.
"Un long combat crépusculaire", c'est ainsi que le président John F. Kennedy avait qualifié la Guerre froide, ce bras de fer pour la liberté et le pouvoir entre les États-Unis et l'Union soviétique qui aura duré quatre décennies, en Europe et ailleurs dans le monde. L'extraordinaire révolution ukrainienne pourrait laisser croire que les échos de la guerre froide persistent encore dans ce pays profondément déchiré entre l'Est et l'Ouest.
Il est encore trop tôt pour pouvoir dire où ces événements marquants mèneront le peuple ukrainien. Le gouvernement intérimaire, dominé par les factions nationalistes du centre et de l'ouest de l'Ukraine, s'est empressé d'annoncer des élections présidentielles, prévues en mai prochain, et ils cherchent à solidifier les liens économiques et politiques avec l'Europe. Toutefois, dans l'Est et le Sud du pays, des régions fortement industrialisées, des millions de Russes ethniques sont déterminés à préserver les liens séculaires et symbiotiques, qu'ils soient culturels, linguistiques ou économiques, entre l'Ukraine et la Russie.
Une chose est certaine, le président russe, Vladimir Poutine, n'acceptera pas facilement la séparation de l'Ukraine de l'emprise de Moscou et il fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir cette mainmise du Kremlin. Poutine a déjà coupé l'approvisionnement en gaz naturel russe de l'Ukraine et il n'hésitera certainement pas à le faire de nouveau. Il pourrait également mettre un frein aux prêts et aux exportations si jamais les nouveaux dirigeants ukrainiens tentaient d'aller trop loin dans leurs sentiments antirusses. Poutine est déterminé à être intraitable dans ce jeu cynique.
Le président Obama a donc vu juste en choisissant d'agir avec circonspection dans ce dossier, étant donné le risque de conflit avec Moscou, mais il n'en demeure pas moins que l'Ukraine est importante du point de vue des intérêts américains.
Tous les présidents américains depuis Truman considèrent qu'une Europe libre et démocratique est un des plus importants objectifs stratégiques des États-Unis, le président Bush père l'appelait l'Europe "entière, libre et en paix". C'est l'absence d'une telle Europe qui a provoqué l'implication des États-Unis dans les deux Grandes guerres mondiales et dans la Guerre froide qui a suivi. Ce n'est pas un hasard que la chute du Bloc soviétique a été une des plus grandes victoires du dernier demi-siècle en ce qui a trait à la politique étrangère des États-Unis.
Il ne faut toutefois pas s'attendre à un second chapitre de cette Guerre froide et de ses tactiques alors que le président Obama se prépare à un duel avec Poutine. Les États-Unis ne déploieront certainement pas leur puissance militaire le long d'une nouvelle ligne de front est-ouest.
Ce qui se prépare, c'est une stratégie diplomatique de longue haleine qui visera à permettre à l'Ukraine de se dégager de l'étouffante emprise de Moscou. Les États-Unis et l'Europe n'ont eu de cesse de rappeler l'importance cruciale d'une Ukraine unie et indépendante bâtie sur des élections démocratiques et une transition pacifique. Obama lance le défi à Poutine de se joindre à un effort financier international pour venir à l'économie en déroute de l'Ukraine. Obama devrait également encourager le gouvernement intérimaire à poser des gestes de rapprochements avec la communauté russe ethnique de l'est du pays. De tels gestes permettront d'accroître la pression sur Poutine. Le président Obama devra toutefois prendre les commandes de cet effort occidental s'il espère sa réussite.
Il faut également dire que le président Obama possède un avantage clair dans cette partie d'échecs qui l'oppose à Poutine, et il peut remercier ses prédécesseurs pour cela. L'expansion de l'OTAN dans 10 pays d'Europe centrale entamée par le président Clinton et poursuivie par le président Bush fils, et qui avait alors été critiquée comme étant beaucoup trop provocatrice, a permis de contenir les ardeurs expansionnistes russes que d'aucuns appellent le "voisinage proche".
Malgré cela, l'Ukraine demeure hors de la sphère d'influence de l'OTAN et de l'Union européenne et se trouve de nouveau tiraillée entre l'Est et l'Ouest comme au temps de la Guerre froide. Si les États-Unis et l'Europe gagnent ce nouveau bras de fer, ce ne sera pas grâce à leurs armées, mais grâce à un idéal aussi puissant que persévérant. Après tout, les Européens, incluant les Ukrainiens, devraient avoir le droit de déterminer leur propre avenir, non?
La crise ukrainienne nous rappelle toutefois une réalité géopolitique importante: malgré les activités américaines en Asie et les feux à éteindre au Moyen-Orient, l'Europe demeure, encore et toujours, notre plus important partenaire économique et l'hôte de notre alliance stratégique la plus importante, l'OTAN. L'unité et la paix du continent sont de la plus haute importance pour les États-Unis, et une direction américaine forte dans la crise ukrainienne est indispensable pour préserver la paix et la démocratie en Europe.
"Un long combat crépusculaire", c'est ainsi que le président John F. Kennedy avait qualifié la Guerre froide, ce bras de fer pour la liberté et le pouvoir entre les États-Unis et l'Union soviétique qui aura duré quatre décennies, en Europe et ailleurs dans le monde. L'extraordinaire révolution ukrainienne pourrait laisser croire que les échos de la guerre froide persistent encore dans ce pays profondément déchiré entre l'Est et l'Ouest.
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Il est encore trop tôt pour pouvoir dire où ces événements marquants mèneront le peuple ukrainien. Le gouvernement intérimaire, dominé par les factions nationalistes du centre et de l'ouest de l'Ukraine, s'est empressé d'annoncer des élections présidentielles, prévues en mai prochain, et ils cherchent à solidifier les liens économiques et politiques avec l'Europe. Toutefois, dans l'Est et le Sud du pays, des régions fortement industrialisées, des millions de Russes ethniques sont déterminés à préserver les liens séculaires et symbiotiques, qu'ils soient culturels, linguistiques ou économiques, entre l'Ukraine et la Russie.
Une chose est certaine, le président russe, Vladimir Poutine, n'acceptera pas facilement la séparation de l'Ukraine de l'emprise de Moscou et il fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir cette mainmise du Kremlin. Poutine a déjà coupé l'approvisionnement en gaz naturel russe de l'Ukraine et il n'hésitera certainement pas à le faire de nouveau. Il pourrait également mettre un frein aux prêts et aux exportations si jamais les nouveaux dirigeants ukrainiens tentaient d'aller trop loin dans leurs sentiments antirusses. Poutine est déterminé à être intraitable dans ce jeu cynique.
Le président Obama a donc vu juste en choisissant d'agir avec circonspection dans ce dossier, étant donné le risque de conflit avec Moscou, mais il n'en demeure pas moins que l'Ukraine est importante du point de vue des intérêts américains.
Tous les présidents américains depuis Truman considèrent qu'une Europe libre et démocratique est un des plus importants objectifs stratégiques des États-Unis, le président Bush père l'appelait l'Europe "entière, libre et en paix". C'est l'absence d'une telle Europe qui a provoqué l'implication des États-Unis dans les deux Grandes guerres mondiales et dans la Guerre froide qui a suivi. Ce n'est pas un hasard que la chute du Bloc soviétique a été une des plus grandes victoires du dernier demi-siècle en ce qui a trait à la politique étrangère des États-Unis.
Il ne faut toutefois pas s'attendre à un second chapitre de cette Guerre froide et de ses tactiques alors que le président Obama se prépare à un duel avec Poutine. Les États-Unis ne déploieront certainement pas leur puissance militaire le long d'une nouvelle ligne de front est-ouest.
Ce qui se prépare, c'est une stratégie diplomatique de longue haleine qui visera à permettre à l'Ukraine de se dégager de l'étouffante emprise de Moscou. Les États-Unis et l'Europe n'ont eu de cesse de rappeler l'importance cruciale d'une Ukraine unie et indépendante bâtie sur des élections démocratiques et une transition pacifique. Obama lance le défi à Poutine de se joindre à un effort financier international pour venir à l'économie en déroute de l'Ukraine. Obama devrait également encourager le gouvernement intérimaire à poser des gestes de rapprochements avec la communauté russe ethnique de l'est du pays. De tels gestes permettront d'accroître la pression sur Poutine. Le président Obama devra toutefois prendre les commandes de cet effort occidental s'il espère sa réussite.
Il faut également dire que le président Obama possède un avantage clair dans cette partie d'échecs qui l'oppose à Poutine, et il peut remercier ses prédécesseurs pour cela. L'expansion de l'OTAN dans 10 pays d'Europe centrale entamée par le président Clinton et poursuivie par le président Bush fils, et qui avait alors été critiquée comme étant beaucoup trop provocatrice, a permis de contenir les ardeurs expansionnistes russes que d'aucuns appellent le "voisinage proche".
Malgré cela, l'Ukraine demeure hors de la sphère d'influence de l'OTAN et de l'Union européenne et se trouve de nouveau tiraillée entre l'Est et l'Ouest comme au temps de la Guerre froide. Si les États-Unis et l'Europe gagnent ce nouveau bras de fer, ce ne sera pas grâce à leurs armées, mais grâce à un idéal aussi puissant que persévérant. Après tout, les Européens, incluant les Ukrainiens, devraient avoir le droit de déterminer leur propre avenir, non?
La crise ukrainienne nous rappelle toutefois une réalité géopolitique importante: malgré les activités américaines en Asie et les feux à éteindre au Moyen-Orient, l'Europe demeure, encore et toujours, notre plus important partenaire économique et l'hôte de notre alliance stratégique la plus importante, l'OTAN. L'unité et la paix du continent sont de la plus haute importance pour les États-Unis, et une direction américaine forte dans la crise ukrainienne est indispensable pour préserver la paix et la démocratie en Europe.